Dans les petites sections à l’école, et jusqu’au collège, la réponse à une question est soit bonne, soit mauvaise. Mais comme la vie n’est pas aussi manichéenne, on apprend petit à petit à nuancer ses réponses dans ses devoirs.

Thèse, antithèse, synthèse. On valorise le fait de donner son opinion. Cela devient une étape à franchir pour passer à l’âge adulte. Au fur et à mesure, on donne son avis sur à peu près tout : les plats qu’on aime, les livres, les films, les garçons, les filles.

Et plus tard on s’intéresse à la politique, à des sujets plus complexes, et notre avis devient plus marqué, cela se transforme parfois en un engagement.

A mon sens, les opinions n’ont aucun intérêt en soi. Ce sont des idées avec lesquelles on peut jouer, pour les confronter, pour les étudier, mais y adhérer n’a pas de sens.

Ce n’est que lorsqu’il faut décider que la prise de position a une valeur ajoutée, mais pas avant.

Le chat de Schrödinger des opinions

Le chat de Schrödinger, qu’est-ce que c’est ? …

En mécanique quantique, l’état d’une particule est fonction de probabilités, qui dépendent du contexte, des autres particules, etc. La théorie quantique manipule parfaitement cette particule, sans connaître son état précis. Tout se passe bien jusqu’à ce qu’on mesure réellement l’état de la particule. A ce moment-là, la particule est forcément dans l’état mesuré, il n’y a pas d’ambiguïté.

Schrödinger, pour illustrer cela, a imaginé une expérience de pensée. Un chat est enfermé dans une boîte avec un flacon de gaz mortel. L’état d’une particule quantique détermine si le flacon explose ou non, et donc si le chat vit ou meurt.

On peut donc dire que tant qu’on travaille à l’extérieur du système, le chat est à la fois vivant et mort. Pourtant, si on ouvre la boîte, on pourra observer que le chat est soit mort, soit vivant.

Je vois les opinions comme des chats de Schrödinger à l’intérieur de leur boite. Je peux être pour, je peux être contre, je m’en moque. Ce ne sont que des expériences de pensée.

Ouvrir la boite

Affirmer que son opinion est la bonne, c’est ouvrir la boite. La boite des ennuis … Car avoir raison et avoir le dernier mot est un penchant très naturel chez l’Homme, là où avoir tort et le reconnaître est bien moins répandu.

Prenons l’exemple des paris PMU. Tant que vous n’avez pas parié, vous n’avez même pas connaissance de la course. Le résultat vous importe peu, et de toute manière vous n’en entendrez probablement pas parler.

En revanche, dès que vous avez parié … La course vous intéresse, votre rythme cardiaque change, l’issue finale vous devient incontournable. Le résultat de votre pari va jouer sur votre moral. Gagnant, vous êtes tout sourire. Perdant, vous faites la gueule à vos proches, vous êtes de mauvaise foi, vous avez envie d’en découdre à nouveau.

Pour moi, prendre position pour une opinion, c’est in fine avoir un intérêt dans la réponse. C’est avoir parié. Et on ne contrôle plus vraiment ce qui va se passer !

Les décisions du Capitaine Haddock

Dans un tome de Tintin, le Capitaine Haddock est pris d’un dilemme cornélien. Doit-il dormir avec la barbe au-dessus du drap, ou bien en-dessous ? Ce débat interne l’empêche de dormir !

Quand on doit prendre une décision, il faut trancher. C’est à ce moment-là qu’il faut ouvrir les boites de Schrödinger de toutes les possibilités avec lesquelles on jonglait.

Le Capitaine Haddock devra forcément dormir avec sa barbe dessus OU dessous, mais pas les 2 en même temps.

Sa décision pour la nuit ne sera pas forcément la même que la veille ou que celle du lendemain. Quand on décide, on le fait avec les éléments dont on dispose à un instant t.

Bizarrement, lorsqu’il s’agit de décider, c’est là que beaucoup de managers refusent d’ouvrir leurs boites … Espèrent-ils repousser le moment fatidique ? Se laisser plusieurs portes de sortie ?

On ne peut pas toujours tout maîtriser. Il faut accepter de décider dans un contexte flou, où l’on ne connait que 60 ou 70% du contenu.

Voici quelques conseils pour s’en tirer au mieux !

  • Il n’y a pas de bonne décision. Votre décision est la vôtre à un instant t, en fonction de vos connaissances, votre ressenti, vos émotions.
  • Décider à temps. Le risque de reporter à chaque fois est d’enliser la situation et de se retrouver dans une impasse où les possibilités sont très limitées.
  • Se préparer à l’inertie du groupe qui pense que c’est ridicule, infaisable, etc. C’est là que vos expériences de pensée vous auront aider à voir le point de vue des autres, pour bien le comprendre !

Finissons pas 2 citations :

Paul Valéry, « Que de choses il faut ignorer pour agir ».

Georges Clémenceau, « Pour décider, il faut un nombre impair de personnes, et trois c’est déjà trop ».